Des chercheurs ont découvert une bactérie présente dans le nez humain qui est capable d'éradiquer des formes de staphylocoque doré résistantes aux antibiotiques.
Staphylococcus aureus colonise trois nez sur dix. Nul ne sait comment les 70 % restants y échappent, mais la présence d'autres bactéries, en particulier si elles sont de la famille des staphylocoques, est négativement corrélée avec celle de S. aureus. Quand il est là, S. aureus est le plus souvent inoffensif, mais si la fantaisie lui prend de pénétrer dans la circulation sanguine il peut provoquer des infections dont les conséquences sont parfois dramatiques. La recherche de nouveaux médicaments est donc un enjeu important.
L'équipe d'Andreas Peschel, directeur du département de biologie de l'infection à l'université de Tübingen (Allemagne), voulait étudier Staphylococcus aureus dans son environnement naturel, le nez humain. «Pour mieux connaître une bactérie, vous devez comprendre son mode de vie», explique le chercheur. Son équipe a donc analysé 90 souches de staphylocoques trouvés dans des nez. L'une d'elles, nommée Staphylococcus lugdunensis et présente chez environ une personne sur dix, a réussi à «nettoyer» une colonie de S. aureus cultivée in vitro.
Une souche bactérienne baptisée lugdunine
Après manipulation génétique de S. lugdunensis, les auteurs ont identifié le composé responsable de cette activité antibiotique: un peptide produit par la bactérie qu'ils ont baptisé lug- dunine. Mis en concurrence avec ce peptide dans un tube à essai durant trente jours, S. aureus a été incapable de se développer, et aucune forme résistante de la bactérie n'est apparue.Des souris infectées par le staphylocoque doré ont ensuite été soignées par application de lugdunine, qui a par ailleurs montré une efficacité contre des bactéries Enterococcus résistantes aux antibiotiques. Puis en allant farfouiller dans les nez de 187 patients hospitalisés, les auteurs se sont aperçus que le staphylocoque doré n'était présent que chez 5,9 % de ceux abritant aussi S. lugdunensis, soit six fois moins que les 34,7 % de patients porteurs de S. aureus mais pas de son ennemi.
«Utiliser la lugdunine ou un staphylocoque producteur de lugdunine pourrait devenir une stratégie valable pour prévenir les colonisations par S. aureus et les infections invasives chez les patients à haut risque», suggèrent donc les auteurs. «Cela peut sembler surprenant qu'un membre du microbiote humain - la communauté de bactéries qui colonise notre corps - produise un antibiotique», écrivent Kim Lewis et Philip Strandwitz, biologistes à l'université de Boston, dans un commentaire accompagnant l'article. «Mais le microbiote est composé de plus d'un millier d'espèces, dont la plupart luttent pour l'espace et les nutriments, et la pression sélective pour éliminer les voisins bactériens est importante.»
Dans nos intestins, sur notre peau ou au creux de notre nez, les bactéries qui peuplent nos organismes fourbissent sans cesse leurs armes. Et l'homme pourrait bien devenir le nouveau terrain de jeu des chasseurs d'antibiotiques.
Avec Le Figaro
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