Depuis
plusieurs mois, des rumeurs persistantes font état de bisbilles qui
existeraient au sein de l'état-major de Boko Haram pour des divergences
de vues sur les modes d'action du groupe terroriste.
De nombreux adeptes sous les ordres d'un certain Muhammad Daud auraient tourné le dos au leader de la secte, Abubakar Shekau, connu pour ses discours enflammés et son extrême brutalité.
S'agit-il d'une
dissidence au sein d'un groupe qui est à la peine dans ses fiefs
traditionnels du nord-est du Nigeria, comme il en a connu en 2012 avec
le départ fracassant de certains de ses commandants comme Abubakar Adam
Kambar (tué en 2012), Khalid Al-Barnawi (arrêté en 2016) et Abu Usmatul
Al-Ansari (toujours actif) pour créer Ansaru, l'autre organisation
islamiste djihadiste, qui a pour vocation de s'attaquer aux chrétiens et
aux occidentaux ?
Ou est-ce un
lâchage pur et simple du très volcanique Abubakar Shekau par une bonne
partie de ses disciples qui préfèrent aller à Canossa en négociant leur
reddition avec le gouvernement d'Abuja, suite aux nombreux revers que la
secte a subis depuis qu'elle a commis l'erreur stratégique de frapper
au-delà des frontières nigérianes, notamment au Cameroun, au Tchad et au
Niger ?
En tout état de
cause, ce serait peut-être le début de la fin d'une secte sanguinaire
qui continue de massacrer indistinctement et sans discontinuer depuis sa
sortie du bois en 2009, chrétiens, musulmans, animistes ou
libre-penseurs, à la différence des autres organisations islamistes qui
sont, elles, plutôt cohérentes, du moins dans le choix de leurs cibles.
Toutefois, on a tellement parié sur la fin imminente de Boko Haram et entendu des rumeurs sur la mort de son chef actuel, qu'on est enclin à la prudence et au « wait and see », à chaque fois que ses dissensions internes, réelles ou fantasmées, sont révélées, même quand la source est américaine, comme c'est le cas depuis le 21 juin dernier avec cette sortie du Général Thomas Waldhauser devant la commission sénatoriale des forces armées américaines.
Cet officier, qui
est, soit dit en passant, à la tête des forces américaines en Afrique, a
en effet déclaré qu'une scission s'est produite au sein de la nébuleuse
islamiste, entre ceux qui seraient outrés par l'utilisation des enfants
comme bombes humaines, et ceux, de moins en moins nombreux , qui n'y
verraient aucune raison de s'en offusquer.
Le Général
américain croit savoir que c'est l'Etat islamique (ou encore Daesh) dont
Boko Haram est la filiale locale, qui a d'abord tiré la sonnette
d'alarme, avant que certains responsables de la secte nigériane et pas
des moindres, n'embouchent la même trompette.
Que Daesh s'indigne
de la barbarie de Shekau qui recourt aux attentats suicides perpétrés
par des enfants qui ignorent tout de la dangerosité des engins et du
matériel qui leur sont remis, peut faire sourire le plus naïf des
Irakiens ou des Syriens dont la vie est quotidiennement menacée par
d'autres mômes, armés et bien entraînés.
Il ne faut pas se méprendre sur les risques d'aggravation de la situation sécuritaire dans la région.
Du reste, c'est une
intox, pardon, c'est une info à prendre avec des pincettes, car les
attaques et les attentats perpétrés par les adeptes de Boko Haram tous
âges confondus, continuent d'être diffusés par des sites internet
proches de Daesh, et sont toujours revendiqués par l'Etat islamique en
Afrique de l'ouest, l'autre nom tropicalisé de Boko Haram.
Espérons toutefois
que les Américains ne prennent pas leurs rêves pour la réalité, car tout
ce qui contribue à isoler ou à affaiblir Shekau peut, a priori, être
salutaire, même s'il ne faut pas se méprendre sur les risques
d'aggravation de la situation sécuritaire dans la région, qu'une
atomisation du groupe djihadiste pourrait entraîner.
Les rives du Lac
Tchad deviendraient en effet une constellation de terroristes qui
rivaliseront dans la commission d'actes cruels pour gagner en «
légitimité », car, dans le cas d'espèce, plus on monte dans l'échelle de
l'horreur, plus on est sous les feux des projecteurs, plus on accroît
ses sources de financement et par ricochet, ses capacités de nuisance.
A l'idée donc de
voir Boko Haram éclater en mille morceaux, on ne sait pas véritablement
s'il faut en rire ou en pleurer, car, cet éclatement peut déboucher soit
sur l'assouplissement des méthodes de lutte, s'il est l'œuvre du
pragmatique et réaliste Muhammad Daud, soit sur la multiplication des
pogroms, si l'un des groupes est dirigé par le sulfureux Bana Blachera,
logisticien et nouveau chef des opérations de la secte depuis que son
mentor Abubakar Shekau a entamé une descente aux enfers, au propre comme
au figuré, avec la maladie « mystérieuse » qui l'éloigne de plus en
plus des chaînes de télévision et de la victoire dont il a toujours rêvé
sur ceux qu'il qualifie de croisés et d'apostats.
All Africa
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