Photo: La marche contre la violence et l'insécurité à Mayotte le 19 avril 2016 à Mamoutzou
Plus d'un millier de personnes ont été expulsées de leur domicile par des collectifs d'habitants à Mayotte depuis le mois de janvier selon la Cimade. François Hollande a appelé à la vigilance.
«Mayotte : la chasse aux étrangers par la population est ouverte… et couverte». Il y a un peu moins d’un mois, la Cimade, association nationale de défense des droits des étrangers, lançait sur son site un cri d’alarme
face aux expulsions d’étrangers de leur domicile par des collectifs de
Mahorais. Selon l’association, dans plusieurs communes de Mayotte, plus
d’un millier d’étrangers, pour la plupart des Comoriens, en situation
régulière ou non, ont ainsi été jetés à la rue.
Le 20 décembre 2015, à Tsimkoura, un village du sud de Mayotte, un
collectif d’habitants envoie une lettre aux propriétaires qui louent des
bangas, des habitations de tôle, à des étrangers. En copie, la mairie
de la commune et la gendarmerie nationale. L’objet du message est clair :
«Expulsion des étrangers en situation irrégulière.»
Le courrier envoyé par des habitants avant les premières expulsions, que la Cimade s’est procuré.
Chose promise, chose due. Le 10 janvier, les habitants chassent les étrangers de leur domicile et réitèrent une semaine plus tard, sans ménagement. Selon les témoignages recueillis par la Cimade, les domiciles sont saccagés à coups de pierre et de bâtons par les membres du collectif qui «n’hésitent pas à frapper». «Une personne âgée et malade, se serait fait arracher sa sonde urinaire par les villageois. Rouée de coups, elle sera par la suite hospitalisée», écrit l’association.
Des étrangers accusés de tous les maux
Depuis, d’autres villages ont adopté la méthode. Des collectifs d’habitants se créent, publient des tracts qui accusent les étrangers de tous les maux (vols, agressions, économie meurtrie, systèmes de santé débordés, écoles surchargées…) et appellent à des actions d’expulsion. Quatrième et dernier épisode en date : dimanche 15 mai, à Bouéni (sud). Tapant avec des bâtons sur des casseroles et chantant, plus d’une centaine de villageois ont sillonné les rues pour déloger de force les étrangers qui, alertés, n’avaient pas encore fui.
Le tract qui appelait à l’expulsion du dimanche 15 mai, obtenu par la Cimade.
Parmi les expulsés, qualifiés par certains collectifs de «hors-la-loi», figurent des clandestins mais aussi des étrangers en situation régulière. «J’ai un titre de séjour pour dix ans, je travaille en CDI, mon bail est en règle, je ne comprends pas», expliquait ainsi à l’AFP une habitante d’origine comorienne chassée dimanche.Comme elle, plus de 500 personnes ont dû fuir ce jour-là. Ils dorment depuis sur la place de la République de Mamoudzou, le chef-lieu de l’île. Des associations mahoraises mais également la Cimade et la Croix-Rouge, tentent de les reloger et de rescolariser les enfants. Constituées en association, des familles comoriennes ont déposé une plainte contre X. Une enquête judiciaire est en cours.
Des exactions inadmissibles
Mayotte, île située à mi-chemin entre l’Afrique et Madagascar, compte 230 000 habitants, dont 40% d’étrangers. Le département français vit sous la forte pression migratoire des trois îles des Comores indépendantes voisines. «Il ressort des informations collectées un sentiment de ras-le-bol, de saturation, éprouvé de la part des villageois face à une pression migratoire à laquelle ils attribuent bien souvent à tort la responsabilité de tous les maux sociaux de Mayotte», écrit la Cimade.Alors que l’association dénonçait il y a encore quelques jours le silence des autorités publiques, François Hollande a appelé à la vigilance ce mercredi lors du conseil des ministres. Selon Stéphane Le Foll, porte-parole du gouvernement, l’État va devoir «renforcer aussi ses outils». «Les tensions liées aux migrations aujourd’hui à Mayotte conduisent à des choses qui sont assez inacceptables», a-t-il ajouté.
La veille, les ministères de l’Intérieur et des Outre-mer avaient annoncé dans un communiqué que 822 policiers et gendarmes étaient mobilisés pour «mettre fin à ces exactions inadmissibles» et que 76 policiers supplémentaires seraient affectés à la lutte contre l’immigration clandestine. Un plan d’action contre l’insécurité et l’immigration clandestine devrait en outre être présenté à la fin du mois à la demande de Manuel Valls.
Dimanche dernier, la présence de forces de l’ordre n’a en tout cas pas empêché des habitants de démanteler des habitations construites dans la semaine. De nouvelles expulsions sont prévues le 22 mai à M’Tsamboro (nord) et le 5 juillet à Kani-Kéli (sud).
Libération
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